Tirons, dans l'instant, un trait sur toute suspicion de polémique : utiliser un leash de planche c'est mal. C'est mal en raison des dégâts physiques évidents dont il peut être la cause. Mais une fois qu'on l'a dit et répété maintes et maintes fois, on constate que ce foutu leash n'a pas disparu de l'équipement standard du kiteur débutant. On ne dispose évidemment d'aucune statistique mais, ce qui ressort de la simple observation, in situ, c'est qu'il reste bien apprécié. Il serait peut-être temps de se demander pourquoi le message de prévention échoue ?
Un parallèle tentant est à faire avec le tabac : ça donne le cancer (on peut donc potentiellement en mourir), les messages de préventions sont pléthoriques, la publicité est interdite, le packaging affiche des images gerbantes et le prix des paquets ne cesse d'exploser. Pourtant ça ne dissuade pas le nombre toujours conséquent de fumeurs. Le plaisir et l'addiction, en ressorts puissants, contraignent l'âme et le corps...
Pour le leash de planche, l'explication est plus prosaïque : le débutant met un leash car il ne maîtrise pas son aile. Depuis son entrée dans l'eau jusqu'à sa sortie, le cou cassé, les yeux au ciel, les mains écartées aux extrémités de la barre, son problème est double : contrôler cette chose, là-haut, qui regimbe comme un cheval fougueux et éviter les autres kiteurs qui lui polluent l'espace (oui, le kiteur en construction est Sartrien : il pense, à l'instar du philosophe : « l'enfer c'est les autres »).
Et de ces deux problèmes, le principal n'est pas celui qu'on croit. Quand on est débrouillé, on a tendance à oublier les affres de ses débuts. Et lorsque qu'en tant qu'expert on réfléchit à un problème, le réflexe est de l'aborder sous l'angle de la raison en oubliant parfois d'y insérer des éléments évaporés avec le temps. On observe un fait (un kiteur part à l'eau avec un leash) et on disserte de ce fait en faisant abstraction des motivations du gars (il résout un problème). Si on élargit la focale, la perspective est différente : un type ayant du mal à gérer une bâche à laquelle il est directement rattaché et qui fait prise au vent à 25m au-dessus de sa tête, s'avance le ventre noué dans ce qui lui apparaît comme un bourbier... où le kéké du lieu vient lui sauter à la gueule toutes les 2mn, où il y a des départs et arrivées fréquents, où les inconditionnels de la navigation à 10m de l'aire de départ forment un magma qui semble impénétrable, où d'autres encore attendent la dernière seconde pour lui virer sous les moustaches... et tout plein de joyeusetés du genre que tout le monde connaît.
Le kite, pour le commun des mortels, ressemble assez peu aux images relayées par l'influenceuse instagramée en bikini qui kite, solitaire, sous sa 12m portée par un vent laminaire, au milieu d'une baie immense sur un glacis d'eau translucide. Non. Le gars, il va kiter où ses potes plus expérimentés vont. Et c'est rarement le même décor ni la même ambiance que sur les photos de la naïade. Le gars, il se prend des paquets de mer dans une eau noire et profonde et il n'est pas à la fête parce qu'autour de lui ça circule en tous sens. Si bien que, quand il part à l'eau, si sa planche le suit comme un bon toutou sans faire chier, c'est toujours ça de moins à gérer. Il peut ainsi se concentrer sur sa toile. Et quand il se prend une bonne boîte au milieu du bouillon, il n'a qu'une envie : s'extraire au plus vite de son bourbier ; qu'une angoisse : que dure son pugilat. Alors, s'il peut tirer sur la ficelle pour accélérer le processus...
Formation poussée au maniement de l'aile et à la nage tractée : Voilà la solution ! Oui sur le papier. Qu'en est-il dans la pratique ? Qui est assez sérieux et dispose d’assez de moyens (temps, argent, volonté) pour suivre des cours ou s'entraîner en solo jusqu'à être 100% opérationnel dans ce registre, quelles que soient les conditions ? Il y a un moment où le désir de kiter l'emporte sur tout le reste, où il faut se jeter à l'eau et forger son expérience. Donc, on a d'un côté ce que l'orthodoxie recommande (à raison), de l'autre, la dure réalité. La réalité gagnant toujours sur la théorie, nombre de débutants continueront à aimer leur leash et donc, à épouser le risque qui va avec. Leash à enrouleur, bien entendu (je veux croire qu'il y en a de moins en moins pour utiliser le modèle du genre cordon de téléphone, autrement nommé : le décapiteur). La seule vraie hérésie de l'histoire serait de ne pas porter de casque.
La solution est peut-être dans l'innovation ?Serait-ce compliqué de fabriquer une petite pièce mécanique qui céderait à partir d'une certaine pression, une sorte de largeur automatique que l'on pourrait régler sur une résistance à une force donnée, sur le principe des fixations de ski ? Une fois l'enrouleur en bout de course, si la force exercée est supérieure au réglage, le largueur désolidariserait le leash de la planche, évitant son décollage... Si c'est faisable, ça n'éviterait sans doute pas tous les accidents mais diminuerait au moins les risques.
Qu'en pensent les ingénieurs de notre communauté sur le plan technique et les moniteurs sur celui du principe ?
Bonus nage tractée J'aime bien cette vidéo qui décrit le panel des difficultés rencontrées par un kiteur qui semble pourtant déjà débrouillé.
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