“La société de liberté se définit par un climat général, que chaque restriction dégrade, dépouillant peu à peu le citoyen de sa capacité de libre détermination.”
“La liberté a un prix. Celui d’être blessé, révolté, atteint, par les opinions contraires. Refuser de payer ce prix, c’est montrer le peu de cas que l’on fait d’elle, c’est préférer en définitive son opinion à la liberté.”
“Nous cherchons à recréer une forme de civilité par la répression. Il n’y a pas de civilité sans liberté.”
François Sureau - Avocat et écrivain français.
La communauté OLK s’est émue dernièrement d’une simple blague (supprimée depuis). Une blague pas vraiment drôle dont le plus grand défaut fut qu'elle soit mal comprise. Mais est-il nécessaire de comprendre pour s’indigner quand l’indignation est devenue l’alpha et l’oméga de la posture publique ? Partout dans la société les ligues de vertu voient, chaque jour, leurs rangs grossir. La machine à procès, à anathèmes, à dénonciation, à signalement ronronne de plaisir. L’agora des rézosocios est la scène incontournable où il convient de venir chercher le fameux quart d’heure de célébrité (de gloire ?) dont on prête l’invention à Andy Warhol. Scène perpétuellement prise d'assaut avec une facilité confondante pour arranguer la foule des badauds, tel un bateleur de foire, à propos d’un écart dûment constaté à la doxa de l'époque.
Souvent l’outrage est d’autant plus grand que son objet est insignifiant et l’outragé d’autant plus choqué qu’il n’en a pas compris le véritable sens. Mais quelle importance ? L’objectif n’est pas la pertinence du propos ou la finesse du raisonnement, l’objectif est de monter à la tribune pour s’y faire applaudir par tous ceux qui attendent impatiemment leur tour (- “Ah vivement que je puisse, moi-aussi, trouver l'opportunité de m’indigner dans un texte bien senti, empli de tous les poncifs de la Terre !”).
- “Ô vous tous, voyez comme elle est belle mon indignation !”
...avec en filigrane...
- “Surtout, admirez combien mon cœur est pur, progressiste et inclusif, voyez comme je suis des vôtres, je veux dire de ceux qui pensent bien et droit en incluant tous ces fiers et courageux résistants engagés d'avant-hier dans des batailles déjà gagnées”.
J'ai un scoop : les garçons ça aime bien les blagues grasses. Ça les fait rire. Pas tous, pas tout le temps, mais en général. La démonstration ne semble pas impérative mais, au cas où, en voilà une qui me fait rire :
Une blague très convenable ! pic.twitter.com/5pmKXmlfSK
— Jason Chicandier (@chicandier) 19 juin 2019
J'en ai un autre (de scoop) : les filles sont très sensibles sur les questions de l'apparence et du physique. Pas toutes, pas tout le temps, mais en général. Démonstration : prière de vous rendre dans la salle de bain de celle qui vous le permettra. Si vous y dénombrez moins de 100 flacons ou bidules, je vous file un billet.
Une fois ces portes ouvertes (ou bleues) enfoncées, est-il encore possible de vivre avec ça, d'y faire allusion, de l'utiliser, d'en rire, de s'en moquer (même grassement), sans que la police de la pensée ne vienne vous arsouiller les arpions pour outrage néo-féministe aggravé ? Si la réponse est négative (c'est désormais acté), il semblerait que par bonheur, à lire les nombreux commentaires de ce fameux post (et de ceux qu'il a inspiré par la suite), subsistent tout de même des esprits forts des deux genres. Des hommes n'ont pas aimé et l'ont dit, des femmes ont trouvé ça bénin et l'ont exprimé... Ils ont donné leur avis sans crier haro sur le blasphémateur. Ça fait du bien et surtout ça repose. La critique est nécessaire. La critique de la critique (dans la volonté de censurer) est mortifère.
On voit ce genre d'appel à la censure en permanence sur Twitter. L’indignation y est omnipotente et omniprésente - et pour la plus grande défaite de la pensée, présentée comme omnisciente - à propos de tout et surtout de n’importe quoi. C’est un réseau où les kiteux viennent peu. À titre personnel, j'ai tendance à penser que d’une manière générale les sportifs sont plutôt épargnés par ce genre de cancer du cogito. Parce que par définition, ils sont des gens du mouvement, donc de l’action, qui passent plus de temps à faire qu’à dire, qu’ils sont plus en prise avec le réel, et donc, plus capables de distanciation que le commun des mortels tanké, ad vitam, devant un écran. En principe, ils ont bien mieux à faire que de se prendre le chou pour des conneries.
En principe, car c’est désormais un fait établi, les kiteurs francophones sont branchés H24 sur le Facebook OLK. C’est un mal pour un bien : celui d’une certaine cohésion de la communauté. Il ne reste qu’à espérer que le virus de l’indignation à tous crins épargne le gros de leur troupe. Je suis optimiste. En général, le kiteur est un hédoniste. Il recherche le plaisir et fuit les passions tristes. Enfin, il est vrai aussi que tout le monde ne vit pas avec la même sérénité les périodes de pétole caniculaire et que ça peut expliquer certaines démonstrations, aussi intempestives qu’inappropriées.
Nb : ce billet n'est-il pas, en lui-même, une indignation contre l'indignation ? On peut le prendre comme ça. On peut aussi entrevoir, sous le couvert d'une lutte pour la défense du rire gras, un lambeau de mélancolie.
De cette langueur qui nous fait Charlie, ce drôle de canard qu'au fond, bien peu achètent ou lisent, mais qui parle au cœur comme les derniers vestiges du pays qu'on aimait.
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